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Antonie Pannekoek Archives


Thème : La solution économique pour la période de transition du capitalisme vers le communisme


Annexe 1 :


Source :  Fondements de la production et de la distribution communiste / Groupe des Communistes Internationaux (g.i.c.) 1930 ; Préface de Paul Mattick (1970). – Brochure pdf mis en ligne gratuitement par La Bataille socialiste  en 2014


Les coopératives agricoles en Russie et la N.E.P. (G.I.C.)

Traduit dans L’Ouvrier Communiste, n° 6, Janvier 1930

Bien que dans toute l’Europe orientale les paysans soient poussés à la coopération, c’est encore en Russie que ce processus s’accomplit le plus intensément. En Russie, sur ce terrain, il existe une situation « particulière », car les intérêts du capital industriel (concentré à 95  % dans les mains de l’État) marchent pour le moment de pair avec les intérêts des paysans. L’industrie russe se trouve dans la difficulté d’être soumise à l’importation étrangère pour de grandes masses de matières premières, de machines et d’instruments ; sans pouvoir en exporter, dans sa situation actuelle, la « contre valeur ». Si elle devait exporter elle-même des produits industriels en quantité importante, elle aurait, par là même, la possibilité d’importer dans la même mesure les produits indispensables. Mais l’industrie russe n’est pas capable de soutenir la concurrence sur le marché mondial, ses prix étant très élevés, et cette issue se ferme automatiquement.

On pense seulement que si « tout va bien » les prix de revient en 1932, diminueront de 16 % par rapport à 1927, par le jeu de la rationalisation de la production. Mais les différences de 1927 étaient de plus de 25 %. Par conséquent ils restèrent toujours de 10 % au-dessus des cours mondiaux. Aussi la Russie doit-elle suivre d’autres voies pour se procurer les denrées étrangères nécessaires à son industrie. Un emprunt à long terme à l’étranger pourrait être considéré comme une issue à la situation mais le capital international n’a pas encore voulu s’engager dans cette voie jusqu’à présent. Cela arrive-t-il pour des raisons politiques, ou la bourgeoisie se méfie-t-elle d’un pays agraire arriéré qui est soumis aux aléas des récoltes, comme d’un débiteur trop peu solvable, cela ne nous intéresse pas ici. C’est un fait que jusqu’ici la possibilité d’un gros emprunt à l’étranger ne s’est pas réalisée. Dans ces conditions la Russie ne peut compter que sur l’accroissement de sa production industrielle et agricole. En 1926, l’exportation des produits industriels atteignait 258 millions de roubles et on compte, grâce à une grande amélioration technique dans l’industrie pétrolière, arriver en 1932 au chiffre de 636 millions. Une autre ressource pour obtenir de l’étranger les échanges nécessaires, est l’exportation du blé. On table pour 1932 sur une exportation de 380 millions de roubles, ainsi la production agricole aura dûs’élever de 63 %.

Si l’on s’en tient strictement au plan, l’ensemble de l’exportation qui, en 1926, était de 750 millions,atteindrait le niveau de 1913, c’est-à-dire 1500 millions de roubles. La situation « particulière » où se trouvent l’industrie et l’agriculture en Russie, consiste en ceci qu’elles doivent se développer conjointement. L’agriculture ne peut être intensifiée que par l’industrie « nationale », et celle-ci ne peut s’affirmer que par une grande productivité dans l’agriculture. Ce sont des conditions qui n’existent dans aucun autre pays du monde. Il faut encore considérer que le capital de l’industrie russe (à savoir de l’Etat), poursuit consciemment le développement de l’économie agricole. L’aide la plus importante que l’Etat puisse donner se limite à lancer aux paysans infatigablement le mot d’ordre « Débrouillez-vous par vous-mêmes et formez des coopératives ».

Le stimulant employé est la devise bien connue: « Enrichissez- vous » (qui fut lancée par Boukharine lors de l’introduction de la n.e.p.). Les paysans ont si bien compris cela que l’on peut prévoir un puissant développement d’ensemble de la coopération. Ainsi le développement agraire russe est sur le même chemin que suit depuis trente ans celui de l’Europe occidentale. Dès 1927, sur 21 400 000 entreprises agricoles, 36 % étaient organisées dans la coopération. En 1924, les coopératives donnaient 1,7 % de la production agricole, en 1925, elles embrassaient déjà 21,5 %, et en 1927 atteignaient 25 %. Si onconsidère le développement produit par produit, les coopératives contrôlaient 27 % des céréales, 44 %du lin, 84 % du coton, et 92 % du beurre (chiffres extraits de l’ouvrage de Rütgers). Il est remarquable que le nombre des tracteurs, de 1924 à 1928 (c’est-à-dire pendant quatre ans) s’estélevé de 9 000 à 32 000. C’est là une augmentation de 255 % . Les instruments agricoles en 1924 représentaient 62 millions de roubles, et 149 millions en 1927, soit une augmentation de 140 %. Il est vrai que ces chiffres restent infimes pour un pays aussi immense que la Russie, mais il faut considérer la progression des chiffres plutôt que leur valeur absolue.

Le rôle des coopératives russes n’est pas différent de celles des organisations semblables des autres pays du monde. C’est tout à fait clair, puisque l’entreprise agricole est une « entreprise privée » qui travaille partout dans un but de profit. Même en Russie, les coopératives forment des associations d’achat et devente pour s’assurer sur le marché intérieur la position la plus solide possible, et pour mener la lutte contre le gouvernement central des soviets. En outre, elles forment aussi des banques coopératives puisque les paysans petits et moyens ne peuvent obtenir de crédit que par cette voie tandis que, d’autrepart, elles constituent des sociétés pour l’exploitation collective des machines agricoles. Dans leur lutte contre le gouvernement des soviets, les paysans ont déjà remporté des succès. De même qu’en 1921 ils réussirent à conquérir la liberté de commerce dans le marché intérieur, de même en 1928, ils infligèrent au Gouvernement une cuisante défaite, d’abord en se refusant à vendre au tarif fixé par le gouvernement, ensuite en lui imposant des prix fortement majorés. L’exportation de céréales devint ainsi pour le gouvernement un fiasco financier, car l’industrie d’Etat se trouva en difficulté, et le programme d’édification devint inexécutable. C’est ainsi que l’Etat se vit obligé de prendre position contre le paysan individualiste. Le gouvernement, craignant le monopole paysan des céréales, commence à créer pour le combattre des « usines à céréales » (sovkhozes).

Les entreprises agricoles gouvernementales forment un soi-disant « secteur socialiste » dans l’agriculture individualiste. Elles embrassent jusqu’à présent les 2 % de la surface cultivée  « si tout va bien » elles doivent, en 1933, atteindre 17,5 % de la surface cultivée et il en résulterait une augmentation générale de 15,5 % de la production agricole. Le « secteur du capitalisme privé » n’embrasserait plus alors que73,2 % des produits, alors que les entreprises collectives (kolkhozes ou « associations de production ») verraient leur part portée à 11 %.

Les milieux gouvernementaux russes mettent aussi ces associations de production au compte de la production communiste. En fait, les unes comme les autres (sovkhozes et kolkhozes) se basent sur l’économie de profit et ne se différencient nullement du reste de la production capitaliste du monde. La différence entre les entreprises d’Etat et les associations ne consistant que dans la manière de disposer des profits réalisés.

Dans l’entreprise gouvernementale il appartient aux maîtres de l’Etat de veiller à son emploi. Dans les associations, le profit est à la disposition des membres individuels qui l’emploient comme ils l’entendent. Même pour elles vaut le mot d’ordre de Boukharine: « Enrichissez-vous ». Ces associations, les entreprises collectives, ne sont pas autre chose qu’une forme particulière des coopératives capitalistes telles qu’elles sont connues du monde entier ; elles ne sont pas même partie intégrante de la sphère de la production d’Etat dirigée suivant un plan. Nous pensons donc que le secteur du capitalisme privé ne se limiterait pas à 73,2 %, mais comprendrait aussi les 11 % des kolkhozes soit 84,2 %, même en admettant que les entreprises d’Etat qui n’existent encore que sur le papier, se trouvent réalisées. Dans la formation des coopératives, en plus de l’aide morale et juridique, des crédits abondants sont misà la disposition des paysans pour le défrichement de la terre, crédits qui, naturellement, doivent être amortis par des intérêts, car le profit est la base de toute la production russe. Durant la période 1927-1932, le gouvernement des soviets a décidé de consacrer : à l’amélioration de la terre, pour le défrichement et le drainage, un milliard de roubles, pour l’achat de bestiaux 290 millions, pour l’amélioration scientifique de l’agriculture et pour les stations de recherche 211 millions, pour la coopération et l’industrialisation 251 millions (chiffres cités par Rütgers). Ce sont là des allocations qui sont récupérées en partie directement, en partie par les impôts indirects frappant les denrées de première nécessité. Même le profit des sovkhozes et le service de l’intérêt des crédits à l’agriculture s’y ajoutent, tandis que le monopole de l’Etat sur le commerce extérieur forme une certaine (ou mieux incertaine) source de revenus. Ce qui, par ces voies différentes est extrait des masses de la population soviétique, est utilisé de manière à accomplir l’enrichissement cher à Boukharine des propriétaires ruraux. On se demanderait en vain ce que cela peut avoir de commun avec le communisme. Toute l’économie russe repose sur la base de la production marchande et capitaliste, et il n’est pas question d’une production basée sur le besoin. La révolution russe a fait faire à la Russie un grand bond en avant, puisqu’elle a déblayé du chemin les anciens obstacles qui empêchaient le développement du capitalisme. Par cette révolution furent donc jetées les bases pour le développement de la société bourgeoise. Les prémisses de la révolution prolétarienne sont maintenant données.

Ce n’est personne moins que Lénine qui a montré cela tout à fait clairement (Œuvres Complètes, vol. 11, première partie, p. 78-79).

Il déclare: « La victoire de la révolution bourgeoise est impossible comme victoire de la bourgeoisie. La prédominance de la paysannerie, l’épouvantable oppression que la grande propriété foncière demi-féodale lui fait subir, la force et la conscience du prolétariat organisé déjà en parti socialiste, toutes ces conditions prêtent à notre révolution un caractère particulier. Cette particularité ne supprime point le caractère bourgeois de la révolution. Cette particularité ne fait que conditionner le caractère contre-révolutionnaire de notre bourgeoisie et la nécessité de la dictature du prolétariat et de la paysannerie pour la victoire de cette révolution (cité par le Kommunistische Arbeiter-Zeitung, 1927, n° 7). Lénines avait donc très bien que la dictature du prolétariat et de la paysannerie était nécessaire pour la victoire de cette révolution (bourgeoise). Du reste il comptait sur la classe ouvrière allemande pour réaliser dans l’écroulement national sa révolution prolétarienne et, par cela même, pour édifier en socialisme l’édification du socialisme.

En effet: « La victoire complète de la révolution socialiste est inconcevable dans un seul pays et requiert la collaboration la plus active d’au moins plusieurs pays avancés, sur lesquels, nous, Russie, ne pouvons pas compter » (Rapport de Lénine, Imprekor, année 6, n° 139, p. 2426). La Russie est restée seule. Elle ne pouvait donc qu’accomplir la révolution bourgeoise, c’est-à-dire frayer le chemin au développement du capitalisme, à l’économie des marchandises (voir aussi Boukharine, Théorie du matérialisme historique, p. 310).

La réalisation du communisme était impossible à cause de l’état arriéré de l’agriculture. Les bolchéviks n’ont pas pu détruire le système du salariat et de la production marchande. Ce qu’ils ont été obligé de faire, à cause de la structure économique du pays était en contradiction directe avec leurs principes. En un mot les bolchéviks se sont trouvés dans la condition même qui a été définie dans la Guerre des Paysans en Allemagne par Frédéric Engels: « Il n’y a rien de pire au chef d’un parti extrémiste que d’être obligé d’assumer le pouvoir à une époque où le développement n’est pas encore mûr pour la domination de la classe qu’il représente […] Ce qu’il faut faire ne dépend pas de sa volonté […] Ce qu’il doit faire, ce que son propre parti lui demande, ne dépend pas de lui […] Il se trouve donc nécessairement devant un dilemme insoluble ce qu’il peut faire contredit toute son action antérieure, ses principes. Et ce qu’il doit faire, ne peut pas être accompli. Il est, en un mot, obligé de ne plus représenter son parti, sa classe, mais la classe pour la suprématie de laquelle le développement est actuellement mûr. Il doit, dans l’intérêt du mouvement lui-même, réaliser les intérêts d’une classe qui lui est ennemie et essayer de convaincre sa propre classe avec des phrases et des promesses, en lui persuadant que les intérêts de la classe ennemie sont ses propres intérêts […] Celui-là est perdu sans espoir ».

Par un effort surhumain, les bolchéviks tentèrent pendant les trois premières années de leur domination de s’arracher à cette destinée. Ils marchèrent contre les paysans avec la force armée, et obtinrent pourtout résultat la réduction de la production agricole au niveau des besoins misérables de la campagne. Les paysans, voulant devenir des producteurs de marchandises, réclamèrent la liberté du commerce. En 1921 on introduisait la n.e.p. et par cela même les bases du capitalisme en Russie. Lénine a formulé cefait au 10° congrès du p.c.r. : « Nous savons tous, si nous connaissons l’a.b.c. du marxisme, que de cette transformation, et de l’introduction du libre commerce résulte la division des producteurs de marchandises en possession de capital et possesseurs de force de travail, la division en capitalistes et travailleurs salariés, c’est-à-dire la réintroduction de l’esclavage du salariat capitaliste, lequel ne tombe pas du ciel, mais se développe dans le monde entier sur la base de la production agricole ».

(A suivre)

Le Groupe des Communistes Internationaux (Hollande).


Discussion sur le problème agraire : la socialisation dans l’agriculture

Traduit dans L’Ouvrier Communiste, n° 7/8, Mars 1930

Bien que le but clairement déterminé du mouvement ouvrier soit la suppression du capitalisme, on ne trouve, dans la littérature qui le concerne, que peu d’allusions qui puissent déterminer un programme pour la conduite de la révolution sociale. La social-démocratie et les communistes de Moscou se contentent d’une phrase assez vague suivant laquelle les moyens de production doivent passer dans les mains de la communauté  dans l’application, cela veut dire qu’ils prendront la forme d’entreprises étatiques, et que les ouvriers seront exploités par l’industrie d’État.

Le mouvement anarchiste se dresse directement contre le capitalisme d’État, mais il ne dépasse pas le mot d’ordre : « l’usine aux ouvriers, suppression du salariat ». Tout programme détaillé pour la réalisation de ce but, toute discussion approfondie montrant comment un tel système est, dès à présent préparédans le sein de l’économie capitaliste, fait malheureusement défaut. Là où ces généralités se concrétisent (comme chez Sébastien Faure « Le bonheur universel »), les conceptions fondamentales s’apparentent à la doctrine du capitalisme d’Etat et sont un reflet de Moscou, à moins que ce ne soit de Londres. Bien que Faure, dans son ouvrage, parle complaisamment de « libre contrat », il n’en reste pas moins que les ouvriers n’ont rien à dire dans le système qu’il représente.

La transition de la forme capitaliste à la forme communiste de production ne consiste pas seulement en ce que les moyens de production passent dans les mains de la « communauté ». Cette expression est d’autant plus insuffisante que l’on a vu récemment surgir des réformateurs bourgeois admettant la nécessité du communisme et se prononçant aussi pour la propriété en commun, mais sous la condition du maintien des lois de développement d’une production capitaliste de marchandises (voir par exemple, E.Horn, Les limites économiques du collectivisme , p. 5, 51, etc.)

Mais une production et une distribution communistes exigent précisément la suppression de ces lois de développement c’est-à-dire la suppression de la production sur la base du salariat, de la fixation des prix par le marché, et du système du profit. Le communisme exige une répartition égalitaire des moyens de consommation produits par la force humaine de travail mise en œuvre socialement. Cette répartition égalitaire comporte certainement des « injustices » innombrables, mais constitue une mesure inévitable de transition vers le communisme total, c’est-à-dire la répartition suivant les besoins.

L’organisation de nouveaux modes de développement dans la circulation des biens sous le contrôle de la société, tel est, en réalité la tâche essentielle du mouvement ouvrier en tant qu’il poursuit le communisme. Mais il recule justement devant le problème. Il voit encore et toujours son salut dans la soi-disant « nationalisation » ou encore « socialisation » des entreprises « hautement organisées », c’est-à-diredans la prise en charge par l’Etat des grandes entreprises industrielles et agricoles. La petite entreprise industrielle et à peu près toute l’agriculture restent donc « propriété privée » et doivent continuer à fonctionner suivant les lois de la production capitaliste de marchandises. A cause de cela, il reste impossible de détruire les bases de la production capitaliste de marchandises (salariat, marché, prix, profit) et d’introduire de nouvelles lois de développement économique pour la circulation des biens. En d’autres termes, ni le salariat, ni l’exploitation ne peuvent être supprimés  en même temps il ne peut pas être question d’une répartition égalitaire des produits de consommation. Le capitalisme n’est pas vaincu mais il apparaît dans une nouvelle forme. Ce capitalisme d’État devient la forme dominante de production au cas d’une victoire des conceptions que défend le mouvement ouvrier moderne en Europe occidentale. La production de marchandises se maintient sur toute la ligne. Sous cet angle, le mot d’ordre moscovite d’une alliance économique des ouvriers et des paysans se révèle comme l’abandon réel des buts de la révolution prolétarienne ; il exprime une complète impuissance à jeter les bases du communisme.

Le groupe des Communistes Internationaux repousse ces « projets de socialisation », qui ne peuvent mener qu’à une oppression renforcée de la classe ouvrière. Par contre, ils voient dans l’organisation de nouveaux modes de développement pour la circulation des produits la véritable tâche du renversement social. La révolution met sur pied des règles générales d’après lesquelles toutes les entreprises peuvent dresser par elles-mêmes leur devis de production. Chaque entreprise supprime elle-même la plus-value en ne comptant que le temps de production du produit : ainsi le temps social moyen de production devient la catégorie fondamentale de la vie industrielle communiste (**).

La conception que représente le Groupe des Communistes Internationaux, en ce qui concerne la nature de la révolution prolétarienne, prend sa source pour une grande part dans le développement que suivent les entreprises paysannes dans les pays de capitalisme avancé. Précisément, le fait que l’agriculture est entrée dans le cercle du travail social, qu’elle est passée à une production « industrielle », et malgré cela ne peut pas être admise organiquement dans l’économie « socialiste » ou « communiste », doit éveiller en nous des doutes marqués au sujet de l’homogénéité et de la solidité des théories « communistes » officielles. Toutes ces théories de « nationalisation » » ou de « socialisation » se révèlent comme des déviations réformistes plus ou moins voilées par rapport au but précis de l’évolution prolétarienne. Nous nous sommes limités, dans cette étude, à la démonstration d’un fait principal, à savoir qu’il n’existe plus de différence radicale entre les formes de production de l’agriculture et de l’industrie, des orte que les deux branches de la production sociale tombent sous les modes de socialisation. Autre chose est, bien entendu, de savoir comment le temps social moyen sera fixé. C’est là une question à part, qui tombe en dehors du cadre de cette analyse  nous devrions, si nous voulions entrer dans ce domaine, prendre pour sujet non point « Les lignes de développement dans l’agriculture », mais « L’organisation du calcul du temps de travail dans l’agriculture et l’industrie ». Nous signalons seulement le fait que le calcul des prix de revient est employé aujourd’hui aussi bien dans les entreprises agricoles spécialisées que dans l’industrie (voir par exemple J.S.King, Cost accounting in agriculture, Londres). On ne peut pas prédire quelle sera l’attitude des paysans vis-à-vis d’une révolution prolétarienne étant donné notre peu d’expérience à ce sujet. Une chose certaine, c’est qu’il ne seront jamais « au premier rang » de la révolution, parce que leur idéologie de propriétaires les en empêche. Les petits paysans en Allemagne sont des partisans ardents de l’expropriation (autant que cela ne les concerne pas eux-mêmes !). Mais la révolution sociale qui voit dans le communisme l’introduction de nouveaux modes de développement dans la circulation des produits, a quelque chose à offrir aux paysans. Loin de se contenter de supprimer les redevances de métayer, les hypothèques et les dettes d’exploitation, la répartition égalitaire du produit social apporte l’égalité complète et directe de la ville et de la campagne, ce qui dans la pratique, est un changement réel en faveur du paysan. Quant aux prolétaires agricoles, ces parias de la société capitaliste, c’est pour eux un immense saut en avant. Ils ont le plus grand intérêt à faire entrer l’agriculture dans la production communiste.

Si nous posons la question : quelle signification les coopératives paysannes prendront-elles lors de l’organisation du communisme à la campagne ? nous devons répondre qu’elles disparaîtront avec le capitalisme. Leur base d’existence, l’assurance d’une position favorable sur le marché disparaît avec l’existence du marché lui-même et entraîne leur effondrement. Mais elles ont rempli leur tâche dans le processus de développement : elles ont appris aux paysans ce qu’est l’organisation et ce dont elle est capable. Les paysans ont appris qu’ils ne sont qu’un seul rouage dans le grand ensemble. Cela est essentiel, et peut être utilisé dans la révolution sous une toute nouvelle forme. L’ancienne forme de l’organisation étant détruite, le principe de la combinaison des intérêts personnels en facteurs sociaux reste le profit décisif de l’époque capitaliste. A ce point de vue non plus, il n’y a pas de différence entre l’agriculture et l’industrie. De même que les ouvriers industriels ont à détruire la forme des anciennes organisations : les syndicats, mais pour éveiller à une nouvelle vie le principe de l’organisation (dans les organisations d’usine et les conseils), de même la forme des coopératives paysannes doit faire place aux organisations des conseils. On ne peut pas dire grand chose sur la manière dont l’idée des conseils sera susceptible de se réaliser à la campagne, ni quelle sera la structure des organisations d’entreprise et des conseils dans l’industrie agricole. La période révolutionnaire en Europe occidentale ne nous a apporté aucune expérience à ce point de vue et cela ne serait qu’un non-sens d’imaginer des formes organisatoires, capables d’assurer d’elles-mêmes l’évolution sans douleur de la production. Cela signifierait un abandon de la réalité pour le royaume de la fantaisie. Nous nous contentons donc de présenter le contenu essentiel d’une orientation nouvelle, mais nous devons attendre de l’avenir sa réalisation sous des formes concrètes.

Le Groupe des Communistes Internationaux (Hollande).


**) Il y a ici un raccourci qui rend peu intelligible la pensée de nos camarades. En régime capitaliste le temps social moyen deproduction d’un objet se réalise sur le marché, il exprime la « valeur » du produit. La plus-value, en tant qu’elle est réalisée parl’ensemble des entreprises du marché, consiste dans la différence entre la valeur du produit et la valeur d’échange de la forcede travail utilisée dans sa production (valeur des produits consommés en moyenne par la force de travail). Il n’y a pas et il nepeut y avoir une suppression de la plus- value dans l’artifice statistique proposé.

**) Die Grund prinzipien Kommunistischer produktion une Verteilung, édité par l’Allgemeine Arbeiter Union.


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Compiled by Vico, 19 April 2020























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